Il est important d’être bien concentré, au moment de l’expertise, pour l’évaluation du Déficit Fonctionnel Permanent de son client, victime d’un accident médical ou d’un accident de la circulation/de la vie.

Ce poste correspond aux séquelles qui sont désormais figées pour la victime après la consolidation de son état de santé.

La définition du Déficit Fonctionnel Permanent est la suivante :

« Il s’agit de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation (…).
En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent après la consolidation
 ».

Or, trop souvent, les experts judiciaires et de compagnies d’assurance s’en tiennent exclusivement au taux d’Atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique de la victime, qui n’est en réalité qu’une composante du Déficit Fonctionnel Permanent.

Un taux d’AIPP selon le barème médico-légal de droit commun ne cote, en effet, que la perte organique ou fonctionnelle. Or, le taux d’atteinte séquellaire ne peut pas rendre compte à lui seul de la réalité vécue du déficit fonctionnel permanent d’une personne handicapée tel qu’il est désormais défini depuis 2011.

Il est donc très important que l’avocat de la victime sollicite, avant la tenue de l’expertise, de son client ses doléances qu’il est préférable qu’elle consigne par écrit pour qu’elles soient le plus exhaustives possibles et qu’elles restituent au maximum le quotidien et le ressenti de la victime qui perdurent après la consolidation de son état de santé c’est-à-dire le moment où cet état n’évolue plus ni favorablement, ni défavorablement.

Ecrites à « froid », les doléances de la victime permettent la prise de recul nécessaire mais aussi la prise de conscience des bouleversements physiques et psychologiques que son rédacteur endure depuis l’accident et, ce, de manière pérenne.

Les doléances d’une victime permettent de montrer la douleur ressentie, douleur à la fois physique mais aussi morale, du fait de l’accident et du handicap qui en a découlé, la perte de qualité de vie ainsi que les troubles dans les conditions d’existence rencontrent au quotidien.

La rupture avec le passé est ainsi caractérisée et les troubles dans les conditions d’existence rapportées représentatifs de difficultés actuelles et pérennes.

S’il existe des douleurs chroniques, il est important de les décrire le plus précisément possible. Il en va de même pour les douleurs du membre fantôme pour les victimes dont un membre a été amputé.

Dans leur évaluation, les experts judiciaire et d’assurance (dans le cas de pourparlers amiables) ont pour mission de prendre en compte l’ensemble des éléments composant le Déficit Fonctionnel Permanent.

Plus les experts judiciaires détaillent ledit poste, plus les magistrats sont en mesure d’apprécier la réalité de la situation des victimes (Cf les publications de Madame Marie-Christine Lagrange, Magistrate honoraire et Ancienne Conseillère à la Cour d’appel de Paris Chambre spécialisée en Réparation du Dommage Corporel).

La douleur psychique ressentie par une victime est à prendre en considération sans qu’il soit nécessaire de déplacer le débat sur le terrain d’une expertise psychiatrique (sauf cas particulier) puisqu’en qualité d’expert désigné, ce dernier est parfaitement habilité à évaluer un déficit fonctionnel permanent dans toute sa dimension, l’expertise psychiatrique n’étayant les dossiers qu’en présence d’un syndrome dépressif patent ou de troubles particuliers.

Les préjudices de la victime doivent être évalués en comparaison avec ses capacités et aptitudes avant l’accident. 

Quand un victime écrit : « La comparaison avec ma vie d’avant et qui j’étais » en détaillant les bouleversements, l’expert doit absolument en tenir compte dans son évaluation.

Cette évaluation ne peut s’abriter derrière un jugement non documenté des experts consistant à mettre en avant la « force de caractère » de la victime pour considérer ses besoins, par exemple, en tierce personne temporaire relatifs et pondérés par sa volonté de faire seul.

En effet, ce phénomène est très fréquent chez les adolescents et jeunes adultes gravement accidentés qui sont en pleine construction de leur autonomie par rapport au modèle parental, au moment de l’accident, et consentent difficilement avoir, de nouveau du fait d’un accident les plaçant en situation de vulnérabilité, besoin de l’aide d’un parent pour leurs besoins physiologiques (se nourrir, se laver, aller aux toilettes, s’habiller). 

Cette aide est légitimement vécue comme un retour en arrière qu’il est aisé de comprendre : le jeune adulte se retrouve en situation de dépendance vis-à-vis de ses parents, alors qu’il était en pleine construction de sa vie d’adulte et en phase d’émancipation depuis l’adolescence. Psychiquement, les mécanismes de défense sont légitimement très forts parce que nécessaires pour ne pas sombrer dans la dépression.

Par conséquent, il n’est pas juste d’apprécier les besoins au regard d’un jugement qui n’a pas sa place dans une expertise médico-légale, alors que la victime décrit par ailleurs ses souffrances quotidiennes dans ses doléances.

Il n’est ni exact, ni juste, sur le plan médico-légal, que certains experts se contentent d’une évaluation figée du DFP en le cantonnant à un état séquellaire uniquement physiologique sans tenir compte de toutes les composantes d’un déficit fonctionnel permanent.

Au demeurant, la composante AIPP comprend également le retentissement psychique au sens de vécu psychologique de l’accident dont les conséquences persistent après consolidation. On n’entend pas ici la notion de troubles psychiatriques nécessitant une médicamentation mais les bouleversements sur l’estime de soi, la confiance en la vie, l’autonomie et le regard porté sur le handicap et l’avenir.

Quand une victime met clairement en évidence des capacités et aptitudes nettement amoindries depuis l’accident par rapport à son état antérieur, ce qui la place en situation de vulnérabilité dans sa vie d’aujourd’hui, il y a lieu de les mettre en exergue au regard de la pyramide de Maslow.

Il peut savoir de différents peurs qui se relient à différents étages de ladite pyramide :

  •  Peur du regard des autres et sentiment d’appartenance à un groupe mis à mal (sentiment d’être différent et donc rejeté), 
  •  Sentiment d’insécurité (par exemple, peur de sortir sans sa prothèse pour la victime d’une amputation, peur de se retrouver esseulée lors d’un simple déplacement pour faire des courses, etc )
  • Estime de soi entamée (peur de ne pouvoir construire une vie de couple du fait de l’invalidité, peur de ne pas rencontrer de partenaire en raison de l’apparence physique altérée ou de l’idée que s’en fait la victime, difficultés à accepter un « nouveau » corps)
  • Besoin d’accomplissement mis à mal : Difficulté à accepter une vie chamboulée qui n’était évidemment pas prévue comme telle initialement, Difficultés et inquiétudes au quotidien dans les obstacles multiples à surmonter pour simplement vivre, sentiment de « recommencer sa vie de zéro » et de revenir « en arrière »

Ces souffrances entrent, pour la partie ante-consolidation, dans les souffrances endurées et le Déficit Fonctionnel Temporaire et, pour la partie post-consolidation, dans le Déficit Fonctionnel Permanent.

L’appréciation du poste Déficit Fonctionnel Permanent peut être largement sous-évaluée si l’avocat de la victime et son médecin de recours ne se montrent pas suffisamment vigilants à montrer les différentes composantes du poste en question.

Pour cette raison, faire appel à un avocat expérimenté peut réellement faire la différence.